Dans le RER C il y avait un grand blond aux cheveux bouclés agenouillé de biais par terre, près des portes automatiques, en train de manger du chocolat noir morceau par morceau. A chaque secousse de train il reposait légèrement ses doigts sur le sol crade pour se tenir en équilibre, et se tenir en équilibre avec ses doigts déjà poisseux de chocolat, c'est assez drôle. Non, il faut vraiment se mettre en situation, et être devant lui, le voir, pour s'exclamer "ça c'est assez drôle" ! Sinon, on ne peut pas s'en rendre compte. A cause du monde, personne n'osait s'asseoir, mais lui avait l'air de s'obstiner et de vouloir s'agenouiller, comme s'il voulait se rendre invisible au milieu des genoux des gens. Il ne lisait pas de livre, mais la description des ingrédients de son chocolat, ce qui le rendait encore plus drôle, car il tenait l'emballage pendant au moins cinq stations de RER. Je ne sais pas quand, mais à un moment, j'ai vu des pin's sur son sac et assez étonnée car les pin's sont passés de mode, sauf chez les relents soixante-huitards, je me suis penchée pour comprendre ce que c'était. Quand j'ai vu qu'il s'agissait de pin's anarchistes, je n'ai pas pu m'empêcher de sourire toute seule : je mordais l'intérieur de ma joue pour pas que les gens le remarquent. J'ai pensé qu'il lisait peut-être la liste des ingrédients pour savoir si son chocolat noir était ou non un produit bio. De vrais anarchistes, je croyais bêtement que ça n'existait plus ; les apercevoir dans un environnement quelconque, ça me semblait plutôt farce.
Oblivion le 27.07.05 à 21:27 dans Augenblick
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