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Fin des transactions marchandes

Thomas n'est jamais allé à F..., une petite ville entourée de forêts et de bistrots ouverts la nuit. Il est allé une fois à T..., à dix kilomètres de F..., quand il avait cinq ans, mais il était alors du style agoraphobe et s'enfermait toute la journée dans la cuisine où son oncle faisait cuire des chipolatas. C'est dans cette cuisine qu'il a connu Vivianne, dans cette cuisine que les oignons l'ont fait pleurer, toujours dans cette cuisine qu'il dévorait les contes de la comtesse de Ségur en cachette car Ségur c'est pour les filles. Quand on emmenait Thomas pour faire des courses, Thomas trouvait un prétexte pour éviter le chemin où derrière une grille en fer rouillé, un chien grognait en grattant la terre. Son père, vers la fin des vacances, promit à Charlotte de retourner aussitôt que possible à T..., mais par oubli ou flegmatisme ils n'y sont jamais retournés, au grand soulagement de Thomas. Dans la famille, quand on évoquait T..., c'était toujours pendant les repas d'hivers où on se croyait permis de lancer des faits circonstanciés. Entre l'été 1999 et l'hiver 2001, Thomas eut une quantité de flirts, et il racontait à chacune d'entre elles, couché à même le sol et les pieds nus posés sur le radiateur, que T... était une ville puissamment allemande, dure, et très morale, car dans les bibliothèques de T... les pages des romans russes où les personnages se soûlaient à la vodka avaient été toutes arrachées.

Mise à jour : Vendredi 20 Janvier 2006, 23:39
Oblivion le 20.01.06 à 22:33 dans Augenblick
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